Amazon est un géant décidément bien rancunier.
Vertement critiqué par Aurélie Filippetti pour ses « pratiques inqualifiables », le distributeur en ligne affronte actuellement une vague de contestation en provenance des éditeurs et auteurs américains. En ligne de mire, son conflit avec la filiale locale du Français Hachette, qui refuse de casser les prix des livres numériques aux Etats-Unis.En retour, Amazon pratique des mesures de rétorsion afin de faire plier la maison d’édition. La ministre de la Culture estime mardi 12 août dans Le Monde que « cet épisode est une nouvelle révélation des pratiques inqualifiables et anticoncurrentielles d’Amazon ». « C’est un abus de position dominante et une atteinte inacceptable contre l’accès aux libres. Amazon porte atteinte à la diversité littéraire et éditoriale », ajoute-t-elle.
Dans sa querelle qui l’oppose à Hachette, Amazon réclame une baisse de prix des e-books, à 9,99 dollars, au lieu de 14,99 ou 19,99 dollars (soit un montant proche de la version papier de l’ouvrage). Selon les calculs du groupe dirigé par Jeff Bezos, cet ajustement tarifaire permettrait de vendre 1,74 fois plus d’exemplaires, augmentant alors les revenus du secteur de 16%. Amazon réclame aussi un changement dans la répartition des revenus, demandant 30% des recettes. En vain, car Hachette ne compte pas bouger d’un iota.
Comme dans la plupart des conflits auquel il participe, le géant américain est prêt à tout pour faire plier ses adversaires. Voici les mesures les plus marquantes imaginées par Amazon en réponse à ses opposants.
RUSE N°1: Allonger les délais de livraison
C’est ce qu’a choisi le distributeur dans son combat contre Hachette. L’éditeur ne veut pas baisser ses prix? Tant pis, Amazon va tout faire pour réduire son attractivité sur le site. En allongeant ses délais de livraison, l’entreprise fait tout pour dissuader le client et l’amener à passer son chemin ou à se tourner vers d’autres produits.
« Amazon conserve ses stocks à des niveaux minimum et réapprovisionne lentement certains livres d’Hachette, causant des délais de disponibilité de deux à quatre semaines pour des raisons qui lui sont propres », indiquait en mai une porte-parole de la filiale américaine d’Hachette. Selon l’éditeur, l’allongement des délais concernerait essentiellement les livres de son catalogue, et moins les nouveautés.
RUSE N°2: Favoriser d’autres éditeurs
Toujours selon Hachette, Amazon irait même plus loin en proposant à ses clients des titres provenant d’autres éditeurs sur les thèmes qui les intéressent.
RUSE N°3: Retrait du catalogue Kindle
En février 2012, Amazon scandalisait une nouvelle fois le monde de l’édition en proposant à ses partenaires éditeurs et distributeurs de nouvelles conditions de vente, lesquelles revoyaient la valeur des catalogues numériques à la baisse. La résistance de l’Independent Publishers Group (IPG), 2e distributeur américain, lui avait valu le retrait de ses 5000 titres du site de e-commerce.
Trois mois ont été nécessaires pour parvenir à un accord acceptable pour les deux parties. Confidentialité oblige, le bras de fer est resté sans vainqueur désigné. L’une ou l’autre partie ne souhaitant pas forcément apparaître comme trop indulgente ni prête à se laisser dicter des conditions d’utilisation.
RUSE N°4: Disparition des précommandes
En parallèle à la guerre contre Hachette, Amazon a ouvert un nouveau front le 11 août face à Disney. Réclamant un meilleur partage des revenus entre producteur et distributeur, la firme de Jeff Bezos a choisi d’enlever le précieux bouton de précommande. Il est ainsi impossible d’acheter en avance Captain America, le soldat de l’hiver (sortie 9 septembre) ou Maléfique (4 novembre).
En restreignant les précommandes, Amazon peut influer notablement sur l’avenir commercial d’un titre.
Ce n’est pas la première fois que le site passe par ce moyen pour négocier. En mai et juin, plusieurs titres de Warner étaient indisponibles en précommande. À noter que les versions téléchargeables n’ont jamais été touchées, Amazon ne s’en prenant qu’aux supports physiques. Bien que déclinant, ces derniers constituent encore une manne importante des revenus des studios. Et ils transitent presque entièrement via la vente en ligne.
RUSE N°5: Lobbying, prendre les citoyens à partie…
Afin de s’offrir le soutien des écrivains dans la bataille qu’il mène face à Hachette, Amazon a proposé aux auteurs de céder 100% de leurs droits sur l’édition électronique. Un geste valable pendant une période donnée, rejetée par les écrivains, dénonçant une « solution à court terme qui encourage les auteurs à prendre parti contre leurs éditeurs ».
Dans un autre registre, Jeff Bezos a initié une gigantesque campagne de lobbying pour échapper à une taxe américaine à l’été 2011. Amazon a donc dépensé plus de 5 millions de dollars pour s’opposer à cette tentative. Des centaines de personnes payées par le géant ont ainsi collecté des milliers de signatures afin d’organiser un référendum. Ce dernier n’aura jamais lieu, après un arrangement à l’amiable avec l’Etat de Californie. À la clé, Amazon a économisé 200 millions de dollars mais annoncé l’ouverture de deux entrepôts.
RUSE N°6: Contourner la loi sur les frais de port
Amazon, à qui la loi française interdit désormais de cumuler la gratuité des frais de port et la remise de 5% sur les livres, a « abandonné » la gratuité des frais de livraison… pour les établir à 1 centime d’euro le 10 juillet. Pas mal pour une loi surnommée « loi anti-Amazon ».
RUSE N°7: Chantage à l’emploi
Mécontent de son régime fiscal au Tennessee, Amazon a menacé d’implanter ses entrepôts dans l’Etat voisin de la Géorgie si on l’obligeait à régler son ardoise. Même chose en Indiana ou en Pennsylvanie, où Amazon ne paie pas les taxes, en s’abritant derrière le fait que s’il a bien des entrepôts dans ce dernier Etat, ils appartiennent à une de ses filiales, pas à Amazon directement. Une étude montrait en 2010 que pas moins de 16 autres états avaient exempté Amazon de taxes, bien qu’Amazon y possède des entrepôts.