Le succès des sites de financement participatif prend toujours plus d’ampleur.
Certains constructeurs ayant pignon sur rue n’hésitent plus à en passer par Kickstarter et consorts pour faire financer des produits innovants, comme on l’a vu encore récemment avec le Modbook Pro X. Mais comme toujours, l’argent attire immanquablement les petits malins ou les grands escrocs.Les exemples sont nombreux de projets largement financés qui prennent l’allure de vaporware, à l’instar du bracelet connecté Embrace+ qui devait être livré en juillet 2013 et que les investisseurs attendent toujours (les premiers envois devraient, aux dernières nouvelles, débuter à la fin du mois). Il en va de même pour la montre ultra-fine CST-01, qui a dépassé le million de dollars de fonds recueilli alors que le fabricant en demandait 200 000$. La date de sortie, fixée au mois de mars 2013, n’a eu de cesse que d’être repoussée; aux dernières nouvelles, les premiers exemplaires étaient en phase d’usinage.
Mais ces deux projets ont au moins le mérite de continuer à donner de leurs nouvelles et à être soutenus par des créateurs sérieux (qui certes, se sont montrés par trop enthousiastes au niveau de la production). D’autres en revanche n’hésitent pas à utiliser les failles du système pour tromper les investisseurs un peu trop enthousiastes. En septembre dernier, le créateur de la console Ouya (financée sur Kickstarter) mettait sur pied une initiative visant à pousser les développeurs à concevoir des jeux pour le boîtier, dont le catalogue anémique a largement contribué à son échec.
Des projet bidons qui coûtent cher
L’initiative Free The Games, qui consistait à doubler le financement récolté par un jeu Ouya sur Kickstarter, a malheureusement été victime de la malice de malandrins qui en ont exploité les failles. Des éditeurs plus ou moins bidons ont ainsi multiplié comme par magie les investisseurs fictifs pour atteindre le minimum de 50 000$ à récolter sur le site de financement participatif, afin d’obtenir en retour la même somme d’Ouya. Julie Uhrman, la CEO de la société, a fini par annuler les projets douteux et elle a resserré les règles du jeu : le montant à atteindre sur Kickstarter a été abaissé à 10 000$, une somme qui doit être investie par un minimum de 100 backers. La date de clôture de Free The Games a été fixée au 10 août, et une quinzaine de jeux ont finalement reçu leur financement.
Il arrive que Kickstarter annule de lui-même des projets jugés litigieux. Cela a été récemment le cas de l’iFind, qui a récolté 546 000$ pour une demande de fonds initiale de 25 000$. Ce module permettant de remettre la main sur n’importe quel objet perdu est censé fonctionner sans batterie, ce qui a provoqué une telle controverse que le site de financement participatif a suspendu le projet. WeTag, le créateur de l’iFind, a toutefois annoncé que le développement du bidule magique allait se poursuivre.
Dernier exemple en date, le projet Ritot. Cette montre connectée sort véritablement du lot puisqu’elle projette l’heure et les notifications sur le dos de la main de son porteur ! Un concept étonnant dont l’intérêt reste encore à prouver, mais qui continue de séduire les investisseurs d’Indiegogo : la montre a dépassé les 750 000$ de financement.
Il se trouve cependant que l’équipe en charge de ce projet a menti sur son origine. Prétendument basée en Californie, la société Ritot est en réalité ukrainienne, et les noms des membres de la start-up étaient eux aussi falsifiés, a avoué l’initiateur de la montre Michael Medvid à TNW. Le responsable précise avoir fait parvenir des copies des passeports de son équipe au site web, qui a finalement autorisé le projet à continuer sa demande de financement malgré les forts soupçons qui pèsent sur ses épaules. La société semble également très légère sur le développement de son produit : le bracelet n’en est qu’au stade de la conception du premier prototype fonctionnel alors que Ritot promet une livraison pour le mois de janvier, dans six mois. Un retard est d’ailleurs d’ores et déjà annoncé.
Moutons noirs et dispositions légales
Le financement participatif recèle donc ses brebis plus ou moins galeuses. Les sites qui se sont lancés sur ce marché expliquent tous que les créateurs de projets indélicats mettent en jeu leur réputation sur internet. Si un examen initial peut être effectué par certaines services avant validation des projets (c’est le cas chez KissKissBankBank ou Ulule par exemple, chez Indiegogo on met de l’avant un « algorithme de détection des fraudes »), la vérification du sérieux des porteurs de projet revient le plus souvent aux internautes eux-mêmes — ce qui peut s’apparenter à un véritable travail de détective en ligne ! On l’a cependant vu, les idées qui soulèvent la suspicion sont susceptibles d’être retirées a posteriori.
Une fois leurs projets financés, les créateurs se doivent évidemment de respecter leurs engagements. Kickstarter précise à la fin du processus de création du projet que le porteur se doit de remplir sa part du contrat, ou sinon de rembourser les investisseurs.
En France, de nouvelles règles touchant le financement participatif ont été publiées le 31 mai 2014, avec une entrée en vigueur le 1er octobre. Ces règles, plutôt souples, ont pour objectif d’améliorer la transparence et de sécuriser l’investissement des prêteurs, dans un secteur d’activité naissant et bouillonnant. Parmi les dispositions, chaque projet pourra atteindre le million d’euros, avec un maximum de 1 000 euros par prêteur et par projet. Un statut spécifique d’intermédiaire en financement participatif (IFP) permet notamment aux services de financement participatif de s’assurer de la solidité financière des entreprises porteuses de projets via un accès au FIBEN (fichier bancaire des entreprises).
Ces précautions seront certainement nécessaires pour faire émerger encore plus de succès comme la montre Pebble, l’imprimante 3D Form1… ou le film Veronica Mars.